Toutes les actualités

Culture

Interview d'Antonia de Rendinger

Image d'illustration de

L’éclatante Antonia de Rendinger sera à Saint-Maurice samedi 25 mai à 20h pour jouer "Scènes de corps et d’esprit" au Théâtre du Val d’Osne. La rédaction a eu l’honneur d’interroger cette artiste dont le seul en scène s’annonce explosif. Confidences.

De quoi parle concrètement votre spectacle "Scènes de corps et d’esprit" ?

À travers ce spectacle, j’aborde des problématiques qui traversent ma génération et mon époque. Étant maman de deux adolescentes, j’amène sur le devant de la scène des sujets qui n’étaient pas forcément les mêmes que ceux de ma génération. Le spectacle met en avant les conflits de générations mais aussi des thématiques actuelles, comme l'écologie, l'éco-anxiété, les questions de genre. J'évoque ces sujets à travers des sketchs et des personnages en situation.
Les gens me connaissent notamment grâce à "On ne demande qu'à en rire", l'émission de Laurent Ruquier où j’incarnais beaucoup de personnages. Je reprends le même filon pour mon seule en scène. C'est un spectacle très théâtral dans lequel on retrouve plein de mères, d’âges différents, de générations différentes et d’époques différentes. Ces dernières sont la mère parfaite, la meilleure mère possible ou la pire qu'on puisse imaginer. Je parle également de la mort, du temps qui passe…

 

Vous incarnez une large palette de personnages. D'où vous vient cette inspiration ?

Je travaille principalement en improvisation. C’est pourquoi, les premiers jets du spectacle sont improvisés. Ensuite, je retravaille la matière que j'ai récoltée et qui sert de « substantifique moelle », comme disait Rabelais. Je me laisse souvent porter par une forme d'intuition. La création du spectacle est peu intellectualisée. C'est vraiment un processus intuitif, une sorte de jaillissement comme un peintre qui laisse la main courir sur le papier. J’ai cette façon de travailler qui est à la fois vertigineuse, parce que je fais confiance à l'urgence, et en même temps décontractée car je m'impose finalement peu de barrières, peu d'interdits.
J’ai l'impression que dans ma manière de fonctionner, il y a quelque chose d'unique. Je ne connais pas d'autres comédiens qui travaillent comme je travaille et qui proposent la même chose. Je n’ai pas un humour forcément comparable à d'autres ! Ce que je fais ressemble plus à ce que faisait quelqu'un comme Albert Dupontel ou Julie Ferrier. Dans le panorama actuel, je crois que je suis la seule à faire ce que je fais.

 

Quelle est la genèse de ce spectacle ?

C'est une genèse complexe parce que le spectacle aurait dû voir le jour au moment où le COVID est arrivé. Les premiers jets de "Scènes de corps et d’esprit" ont été compromis car ils ont été créés dans la douleur, à une époque dont on a tendance à vite oublier à quel point on était sous cloche et à quel point pour certains, c'était terriblement difficile. Pour moi, c'était épouvantable. Je n’étais pas dans un bon état mental pendant cette période. Et paradoxalement, des choses joyeuses en ressortent. Ça me paraît presque anachronique de penser à la création du spectacle, tellement ce moment-là semble ne pas avoir existé, comme si cette espèce de parenthèse avait été surréaliste. Je me demande si un jour on se dira qu'on a vraiment tous vécu ça. La genèse est née de thèmes qui se sont imposés à moi.
Aujourd'hui, je vis avec des adolescentes qui n’ont pas du tout les mêmes préoccupations que moi quand j'avais leur âge. À leur âge, je voulais juste sortir, voir mes potes, être tout le temps dehors, sortir avec des garçons, flirter à tout va avec tout ce qui bouge... Maintenant, mes filles sont casanières, sur leur téléphone, avec des algorithmes qui leur imposent une sorte de chambre d'écho dans laquelle elles sont enfermées.
J'ai le sentiment que c'est une jeunesse qui se voudrait ouverte d'esprit, mais qui d'une certaine façon, est très absolue. Je trouve qu'on a une jeunesse assez… Comment dirais-je ? Souvent dictatoriale ! Pourtant, elle propose des choses complètement dingues que je trouve marrantes et chouettes. Je suis ouverte d'esprit et j'ai tendance à accepter un peu tout ce qui vient en me disant : « Oui, ça passera, ça viendra ». La genèse est un mélange de tout ça ! Finalement, chaque spectacle que je fais ressemble à la femme que je suis au moment où je l'écris.

 

Vous venez le 25 mai à Saint-Maurice, à quoi faut-il s'attendre pour cette soirée ?

Au pire ! (Rires) Non… Il faut s'attendre à passer une soirée dont on sort heureux. Si je pouvais dire que j'ai un objectif dans mes spectacles, c'est que les gens en sortent profondément enchantés. J'ai vraiment le sentiment, quand je suis sur scène, de partager une grande générosité avec le public. Et en règle générale, ce qui revient le plus, c'est la banane ! Ce n’est pas un humour cynique, ce n’est pas un humour caustique. J'essaie d’avoir une approche joyeuse et gaie de la vie. Il faut ainsi s'attendre à rigoler et à sortir avec une forme de légèreté.

 

Qu'est-ce qui vous plaît quand vous êtes sur scène ?

Je dirais que c'est l'oubli de soi parce que, dans la vie, je suis quelqu'un de relativement conventionnel. Je suis plutôt maniaque, j'adore que ce soit rangé ! J'ai ce petit côté « plan-plan », pas spécialement marrant alors que sur scène, je sais que je ne suis plus moi-même. Une espèce de folie, quelque chose d’explosif se dégage de moi. Je suis tellement déchaînée quand je monte sur scène... Je pense qu'il y a une sorte de transe comme si des gens prenaient possession de moi, de mon corps, de mon esprit, et disaient des choses horribles mais que j'assume complètement. C'est ça que j'aime.
D'ailleurs, quand je regarde mes personnages, je vois la conjonction du texte et du jeu comme pour la recette d’un gâteau. La farine toute seule n’est pas bonne, le sucre tout seul n’est pas bon, les œufs tout seuls ne sont pas géniaux, quand ce n’est pas cuit, etc. Mais le mélange des ingrédients fait que ça marche. Avec moi, c'est pareil ! Quand on lit mes textes, on ne se dit pas forcément : « Oh, ça va être tordant »... Mais la manière dont je les interprète et je les joue les rendent drôles. Le jeu et l'incarnation font 90% de la réussite ! Lors de mes spectacles, je suis généreuse et le public m'apporte énormément. C'est une forme de communion que j'aime beaucoup.

 

Entre la scène et la télévision, comment arrivez-vous à passer d'un univers à l'autre ? Est-ce que vous voyez une différence entre les deux ?

Oui, c'est différent parce que sur scène, j’aime le fait qu’on soit en famille. Le public a une lecture intelligente, une lecture de partage. Il y a le geste de venir voir un spectacle et, en général, on assiste à un spectacle comme on va au restaurant, sachant ce qu'on a envie de choisir sur la carte. Puis, certaines personnes vont à des spectacles comme au fast-food. Elles vont voir des choses qui sont faciles d'accès mais sympas et elles passent une bonne soirée. D’autres y vont avec plus d'exigence et plus d'attente. Je pense me situer dans cette veine-là !
Quand je fais de la télévision, je sais que le public qui va me regarder n'est pas forcément averti. Il prend parfois les choses en cours et n'a pas la même culture, la même flexibilité. Aller à un spectacle est un geste engageant alors qu’allumer sa télévision, regarder son écran, est un geste passif d'une certaine manière. Je suis plus vigilante là-dessus parce que les images restent.
J'aime sentir cette liberté que j'ai sur scène, tandis que je ne l’ai pas forcément avec les autres moyens d’expression. Les choses sont vite mal perçues, mal comprises ! Je suis décontractée et décomplexée dans mes spectacles, chose que je ne peux faire que sur scène. Tout ce qui reste, tout ce qui est gravé tel que la radio, la télévision, le web, etc. est plus pensé, donc moins libre et plus aseptisé.

 

Quels sont vos autres projets ?

Je serai à Avignon cet été au festival "Off", plus précisément à La Scala Provence pendant l'heure du déjeuner. C'est une très belle salle et je suis fière d'aller jouer là-bas. Puis je suis toujours, comme beaucoup de comédiens, une mercenaire. Donc j'attends potentiellement la reprise du tournage de "Comme des gosses", série dans laquelle je joue sur M6. J'ai un des rôles principaux et il y a des chances pour que la série reprenne. On est tous en haleine, on attend avec impatience le feu vert de M6 qui devrait tomber normalement cet été.

 

Crédit photo : Estelle Hoffert

Tarifs et réservations en cliquant ici